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BASTIDE ET FERMES A MIMET

          CHÂTEAU-BAS : RÉSIDENCE et EXPLOITATION AGRICOLE du SEIGNEUR de MIMET

        « Le 28 août 1680, vente par noble François-Robert Doria, écuyer, seigneur de Saint-Cesary et de Mimet, à noble Cosme d’Estienne de Chaussegros, aussi seigneur dudit Mimet, de la « maison basse » et seigneurie d’icelle, au prix de 21000 livres. » C’est l’apparition dans les écrits officiels de ce qui deviendra Château-Bas.

         Pourtant, ce vieux bâti est plus ancien mais, « inhabité depuis plusieurs siècles », donc en ruine.

       Ce ne devait pas être un château mais, comme la ferme de La Tour, un lieu d'exploitation agricole et sans doute, en même temps, une ferme forte pour y recevoir les impôts en nature des paysans mimétains. De cette époque, il subsiste des caves qui datent au moins du quatorzième siècle.

      Cosme d’Estienne, ayant acquis un lieu délabré, décide aussitôt de le rebâtir sur place et dans le goût nouveau de l’époque. Le modèle, la référence étant Versailles : Louis XIV venait juste de décider d’y transporter la résidence royale. Le temps de construire la bastide et les deux ailes, la fontaine dans la cour d’honneur, ce fut 1681 ou 1682 et s’achève l’installation de Cosme d’Estienne avec sa famille, comme le Roi à Versailles !

       Ainsi, le seigneur de Mimet disposait de deux logements : le médiéval au village, forteresse peu confortable où l’on ne pouvait vivre dans l’esprit du temps et le moderne, à la mode, ou maison basse. L’un pour l’hiver, l’autre pour l’été. En cette dernière, on retiendra l’existence de la fontaine au milieu de la cour d’honneur. Une eau qui sortait par quatre conduits placés dans la bouche de quatre mascarons aux angles d’un bloc pyramidal en pierre de Rognes ou en pierre de safre. Le tout sculpté d’entrelacs et de végétaux : à l’intérieur de cette pyramide tronquée et renversée (la pointe vers le bas), était creusé le passage de l’eau qui emplissait un petit réservoir duquel s’échappaient  les quatre filets.

       Un piédouche supportait l’ensemble recouvert et fermé par un bloc décoré, surmonté d’une petite pyramide et d’une boule.

       Cette fontaine a été démontée et remontée en 2016-2017 : elle se trouve à présent devant le portail de la cour d'honneur. La disposition en Y de ces fontaines est respectée.

       Aux angles sud (est et ouest), en dehors de la cour d’honneur, existent deux autres fontaines, dont l'une de type moussu. Elles sont en place, sous les platanes, personne n’y a touché jusqu’ici, elles sont intactes avec leur bassin et la colonne centrale.

       En 1771, Honoré de Gras de Prégentil, Conseiller au Parlement d’Aix, achète la terre, place et seigneurie de Mimet, viguerie d’Aix, à Charles-Louis-Sextius de Grimaldi, marquis de Régusse, seigneur de Mimet. Changement de propriétaire, changement de gestion : Honoré de Gras veille à ses intérêts et de près, en bon propriétaire. Il n’est pas de ces chevaliers poudrés qui dépensent l’argent des autres dans les festins et les jeux.

       Il plante de la vigne, des cerisiers, des noyers, des châtaigniers, des poiriers, arbres utiles qui vont en allées, en vergers. Comme il plante dans le même ordre ormeaux, tilleuls, pins, aussi des marronniers ou des oliviers, arbres profitables, les uns pour leur ombre, leur beauté, les autres pour, en plus, leur utilité. Il aura même, au levant de sa bastide, un potager, un fruitier avec une pépinière consacrée « aux grenadiers » : il y en avait des doux et des amers, en ce temps on en faisait des sorbets. Bref, il joint l’utile à l’agréable.

       Et pour arroser tout cela, il maîtrise l’eau, sa distribution. Non loin, un peu au sud-est, il creuse un bassin avec une fontaine, sans doute à un peu plus de cent mètres de la bastide. Il est rectangulaire avec un mur, d’où sortait une source. De cela (voir plan du XIXe siècle), il n’est plus question : tout sera détruit, comblé, transformé : vers 1930, Noriot, marchand de voitures de luxe, devient propriétaire de Château-Bas. C'est lui qui défera le bassin et arasera la construction dix-huitième. À la place, dans le goût de l'époque, il creusera un autre bassin, en forme de haricot géant! On y mettra deux ou trois barques pour canoter ! Et par plaisanterie, on l'espère pour lui, il fit ajouter au portail d'entrée, un N en fer forgé inclus à la ferronnerie construite par de Gras. Un autre N fut peint sur la façade nord de la bastide. Il ne faut pas l'attribuer, comme certains l'ont fait, à la venue de Napoléon ! 

       Mais Honoré de Gras songe à autre chose. Au retrait des ailes par rapport à la façade sud de la bastide, se dessinent deux placettes ombragées. Honoré y fait édifier, sur chacune, une fontaine, l'une avec bassin circulaire et l'autre avec bassin rectangulaire. Dans le goût de l’époque, elles sont dédiées à la nature et moussues, comme à Aix sur le cours à carrosses, actuel Cours Mirabeau. De plus (voir plan), avec celle de la cour d’honneur, elles forment un triangle parfait, équilatéral tel celui de la franc-maçonnerie très à la mode en ce XVIIIe siècle. Le Grand Orient de France venait de s’installer à Paris, en 1772, Honoré venait d’acheter sa seigneurie de Mimet en 1771. Qu’il ait ou non été franc-maçon, l’idée de tracer l’équerre, chère à cette organisation, avec ses fontaines a dû s’imposer à lui. De toute façon, cette eau n’était pas gaspillée : elle ne faisait que transiter par ces fontaines et allait vers les vergers, les potagers pour l’arrosage. Agréable avec la musique de l’eau en plus, le plaisir de l’œil, la fraîcheur, le tout restait utile. Tout cela fut confirmé en 1783 pour un bail à ferme passé avec des rentiers versant à Honoré leurs redevances : des centaines d’hectares qui composaient le domaine de Château-Bas, Honoré de Gras excluait l’ensemble de son parc, verger et potager, qu’il se réservait.

       Et pour mieux faire, il installe une quatrième fontaine devant le portail nord : elle coule d’un mur dans un bassin rectangulaire. Seule la décoration sur le dessus avait été déplacée, en un premier temps. Le reste semble intact et son mascaron retrouvé est remis en place. Cette fontaine a été transportée en contrebas, vers la Grande Salle et reconstituée, elle est très belle est ponctue l'aménagement qui relie Château-Bas et la Grande Salle, construit en 2016-2017.

       Les de Gras garderont Château-Bas jusqu'en 1838, ayant perdu le titre de seigneur durant la Révolution.

       À cette date, le fils d'Honoré vendra le domaine de Château-Bas à la famille de Foresta originaire d'Italie mais implantée en Provence dès le XVIe siècle. Cette cession ne devait rien au hasard. En 1537, un de Foresta fut seigneur de Mimet et pour cela dut rendre hommage à François 1er.          

          Devenus propriétaires, les de Foresta installèrent leurs armes et leur blason sur le mur sud de la bastide, avec leur devise "a nido devota tonanti" ou, "voué à Dieu dès le berceau". Selon l'usage, elle remplaça celle des de Gras qui était "stat fortis in ardius" ou, "il reste fort dans les moments difficiles".

 

       À cette bastide, il faut rajouter le pigeonnier à environ une centaine de mètres vers l'ouest. On en connaît l'existence assurée dès 1783, date du bail à ferme cité plus haut. Bâtiment important, il affirmait la puissance seigneuriale des de Gras car seul le seigneur pouvait en avoir un. L'avantage, outre les pigeonneaux ou "innocents", recommandés pour les malades en convalescence, était que les pigeons fournissaient un engrais recherché pour les potagers et qu'ils se nourrissaient au détriment des récoltes paysannes ! Cette construction, très dégradée, vient d'être restaurée au printemps 2015.

       Au total, Château-Bas, bastide telle qu'on en fit à Marseille et à Aix, était à la fois résidence pour les jours d'été et exploitation agricole dûment gérée par contrat. Sans oublier le parc où l'on joignait cultures et promenades. De son aménagement, il reste quelques marches d'escalier et les vestiges de l'ancien bassin d'exploitation, seulement une grande jarre !

                                           

 

       LES FONTAINES de CHÂTEAU-BAS

      

       « Le 28 août  1680, vente par noble François-Robert Doria, écuyer, seigneur de Saint-Cesary et de Mimet, à noble Cosme d’Estienne de Chaussegros, aussi seigneur dudit Mimet, de la « maison basse » et seigneurie d’icelle, ai prix de 21000 livres. » C’est l’apparition dans les écrits officiels de ce qui deviendra Château-Bas.

       Pourtant, ce vieux château est plus ancien mais, « inhabité depuis plusieurs siècles », donc en ruine. Cosme d’Estienne ayant acquis un lieu délabré décide aussitôt de le rebâtir sur place et dans le goût nouveau de l’époque. Le modèle, la référence étant Versailles : Louis XIV venait juste de décider d’y transporter la résidence royale. Le temps de construire la bastide et les deux ailes, la fontaine dans la cour d’honneur, ce fut 1681 ou 1682 et s’achève l’installation de Cosme d’Estienne avec sa famille, comme le Roi à Versailles !

       Ainsi, le seigneur de Mimet disposait de deux logements : le médiéval au village, forteresse peu confortable où l’on ne pouvait vivre dans l’esprit du temps et la moderne, à la mode, ou maison basse. L’une pour l’hiver, l’autre pour l’été. En cette dernière et pour le sujet qui nous intéresse, on retiendra l’existence de la fontaine au milieu de la cour d’honneur. Une eau qui sortait par quatre conduits placés dans la bouche de quatre mascarons aux angles d’un bloc pyramidal en pierre de Rognes ou en pierre de safre. Le tout sculpté d’entrelacs et de végétaux : à l’intérieur de cette pyramide tronquée et renversée (la pointe vers le bas), était creusé le passage de l’eau qui emplissait un petit réservoir duquel s’échappaient  les quatre filets.

       Un piédouche supportait l’ensemble recouvert et fermé par un bloc décoré, surmonté d’une petite pyramide et d’une boule.

       Le tout fut démonté et mis de côté, en attente.

       Pour les autres  fontaines de Château-Bas, la situation est autre.  

       Aux angles sud (est et ouest), en dehors de la cour d’honneur, existent deux autres fontaines, du type moussu ou avec vasque à débordement. Elles sont en place, sous les platanes, personne n’y a touché jusqu’ici, elles sont intactes avec leur bassin et la colonne centrale.

       En 1771, Honoré de Gras de Prégentil, Conseiller au Parlement d’Aix, achète la terre, place et seigneurie de Mimet, viguerie d’Aix, à Charles-Louis-Sextius de Grimaldi, marquis de Régusse, seigneur de Mimet. Changement de propriétaire, changement de gestion : Honoré de Gras veille à ses intérêts et de près, en bon propriétaire. Il n’est pas de ces chevaliers poudrés qui dépensent l’argent des autres dans les festins et les jeux.

       Il plante de la vigne, des cerisiers, des noyers, des châtaigniers, des poiriers, arbres utiles qui vont en allées, en vergers. Comme il plante dans le même ordre ormeaux, tilleuls, pins, aussi des marronniers ou des oliviers, arbres profitables, les uns pour leur ombre, leur beauté, les autres pour, en plus, leur utilité. Il aura même, au levant de sa bastide, un potager, un fruitier avec une pépinière consacrée « aux grenadiers » : il y en avait des doux et des amers, en ce temps on en faisait des sorbets. Bref, il joint l’utile à l’agréable.

       Et pour arroser tout cela, il maîtrise l’eau, sa distribution. Non loin, un peu au sud-est, il creuse un bassin avec une fontaine, sans doute à un peu plus de cent mètres de la bastide. Il est rectangulaire avec un mur, d’où sortait une source. De cela (voir plan du XIXe sicle), il n’est plus question : tout fut détruit.

       Au XXe siècle, un nommé Noriot, marchand de voitures, fit creuser une sorte de lac, en forme de haricot, à la place de cette fontaine. Cet aménagement existe toujours.

       Mais Honoré de Gras songe à autre chose. Au retrait des ailes par rapport à la façade sud de la bastide, se dessinent deux placettes ombragées. Honoré y fait édifier, sur chacune, une fontaine avec bassin circulaire. Dans le goût de l’époque, elles sont dédiées à la nature et moussues, comme à Aix sur le cours à carrosses, actuel Cours Mirabeau. De plus (voir plan), avec celle de la cour d’honneur, elles forment un triangle parfait, équilatéral tel celui de la franc-maçonnerie très à la mode en ce XVIIIe siècle. Le Grand Orient de France venait de s’installer à Paris, en 1772, Honoré venait d’acheter sa seigneurie de Mimet en 1771. Qu’il ait ou non été franc-maçon, l’idée de tracer l’équerre, chère à cette organisation, avec ses fontaines a dû s’imposer à lui. De toute façon, cette eau n’était pas gaspillée : elle ne faisait que transiter par ces fontaines et allait vers les vergers, les potagers pour l’arrosage. Agréable avec la musique de l’eau en plus, le plaisir de l’œil, la fraîcheur, le tout restait utile. Tout cela fut confirmé en 1783 pour un bail à ferme passé avec des rentiers versant à Honoré leurs redevances : des dizaines d’hectares qui composaient le domaine de Château-Bas, Honoré excluait l’ensemble de son parc, verger et potager, qu’il se réservait.

       Et pour n’être pas en reste, Honoré de Gras installe une quatrième fontaine devant le portail nord : elle coule d’un mur dans un bassin rectangulaire, pour les chevaux des carosses. La décoration sur le dessus aété retrouvée, côté sud-est de la bastide. Le reste semble intact. Peut-être y avait-il deux bassins allongés de part et d’autre.

       Aujourd’hui, en 2016-2017, des travaux importants ont été entrepris par la mairie de Mimet. La fontaine de la cour d'honneur, démontée, est rétablie devant le portail de l'entrée de ladite cour. En sus de ce remontage, il y eut restauration intégrale : celle des quatre mascarons et du haut de la fontaine.

       Quant à la fontaine des chevaux, elle fut déplacée au bas de l'aménagement réalisé pour accéder à la Grande Salle.

       L'ensemble de ces fontaines représente près de quatre siècles du souci de rester maître de l'eau. En ces temps de sécheresse et de changement climatique, il y a là une leçon.

            

          LE COLOMBIER de CHÂTEAU-BAS

      

         Le 28 août 1680, Cosme d'Estienne de Chaussegros achète la "maison basse" de Robert Doria, seigneur de Mimet. C'est une terre noble. Il y fit bâtir un château qu'il nomma Château-Bas. Dans la construction, à quelques pas, il y édifia un colombier "à pied" et non sur piliers !

       Contrairement à ce qu'enseignait l'école de la Troisième République et même des suivantes, le droit du colombier, ou volière, était général, même les roturiers en jouissaient. Pourvu que la bâtisse fût installée sur une terre de 36 arpents, soit de plus de cinq mille mètres : un arpent valant environ 71 mètres. Ceci afin que les pigeons se nourrissent dans cet espace et non chez les voisins ! Sage mesure ! Mais, seuls les nobles et quelques bourgeois disposaient de telle surface d'un seul tenant : en ce temps, les champs étaient petits parce que chacun, à Mimet comme ailleurs, possédait des pièces de terre dispersées. Ainsi, on partageait les terrains bons ou médiocres.

       En 1672, une taxe fut imaginée et supprimée en 1684 par le roi lui-même. Cependant, ces colombiers ne devaient contenir que de 60 à 120 boulins : le boulin étant le nid, en terre cuite ou en osier, du couple de pigeons. Le colombier de Château-Bas en avait certainement bien plus, vu sa taille. Il était exposé au midi selon les recommandations du temps, et une ceinture de carreaux vernissés empêchait putois, rats et fouines de monter vers les ouvertures pour manger les oeufs. Étant donné qu'un pigeon peut nicher dès le neuvième mois de sa vie, qu'il pond six fois l'an deux oeufs à la fois et ce jusqu'à l'âge de dix ans, les oeufs ne manquaient pas !

       Mais, ce ne sont pas eux qui intéressaient Cosme d'Estienne de Chaussegros : "la fiente de pigeon est le plus chaud de tous les fumiers", disait-on, ce qu'on appelait la colombine, il suffisait d'une pincée au pied d'un chou ou d'une salade pour avoir une très belle récolte. Quant aux pigeons, ce sont les très jeunes bêtes ou "innocents" que l'on mangeait en "tourte de pigeonneaux" dans une cuisson à l'étouffée sous les braises disposées dessous et dessus : la tourtière à couvercle était en fer ou en terre cuite. On faisait aussi du pigeon à la poêle, en hatelet (brochette), en crépine, en beignets, à la dauphine, en timbale... Il s'agissait d'une nourriture revigorante, réservée aux convalescents.

       Aussi, la chasse aux pigeons "est un délit grave et puni plus sévèrement que la simple contravention aux ordonnances et règlements concernant la chasse" (jurisprudence de 1773), il y a "défense d'acheter des pigeons tués au fusil" (1713)...

       Bref, De Gras de Prégentil, seigneur de Mimet depuis 1771, date à laquelle il a acheté la seigneurie, passe contrat avec Lazare Négrel et Guillaume Bonnet. Ils signent un bail à ferme pour l'exploitation du domaine : on y lit, concernant les biens que le seigneur se réserve : "...de même encore le terrain au nord du colombier et ledit colombier...", le 12 juin 1775. Lors d'un autre bail, en 1783, le colombier est à nouveau cité : preuve de son importance.

       L'histoire du pigeonnier s'arrête le 11 août 1789, date de l'abolition de toute règlementation passée sur les colombiers et les pigeons. Le pigeonnier, peu à peu, a été abandonné, puis livré au vandalisme : il est tombé en ruines et rien de ce qui lui permettait de fonctionner n'est resté.

       En 2015, la mairie de Mimet l'a rétabli : la muraille extérieure a été sauvée, lui rendant son allure.

 

       Colombine : engrais très actif (azote)

                      1 pigeon produit 2-3 kg. par an

                      1 hectolitre = 1.000 kg. de fumier de cheval

                       On la battait au fléau pour la rendre pulvérulente

                       On la disait bonne contre la chute des cheveux !

 

          FONTBELLE et le PHYSIOCRATE

       Autrefois, ce n'était qu'un vallon béni, car l'eau c'est la vie. Mais cette eau s'écoulait libre et sauvage. Un homme est venu, il s'appelait Barthélemy Rey, un bourgeois épris de progrès, celui de l'Encyclopédie de Diderot au XVIIIe siècle. Avec lui, c'était sérieux : il était 1er consul du village de Mimet et il voulut que son domaine soit un modèle, en fait, il voulait faire un paradis. En ce temps, on aimait des moutons, des chèvres, des oliviers, des amandiers, des figuiers, des légumes, de la vigne. Il voulait, pour être accompli, faire le pain, des miches dorées dans son four... Il voulait tant de choses...

       Alors, il fit un puits dans la colline, ensuite il capta une source au pied d'un bancaou et la mit dans une conduite de borneaux enterrés. Tout d'abord, elle ressortit dans un bassin double : un pour les hommes, un pour les bêtes, ses chèvres et pourquoi pas pour les bécasses qui sont excellentes ? Le surplus alla dans un fossé le long des champs. Rey était malin, plus loin, il creusa un réservoir enterré où coulèrent deux sources sorties du ventre de cette terre emplie d'eau comme une éponge. Et le débord arriva par un conduit dans un autre bassin, grand comme une auge. Son surplus fut mené vers un lavoir. Un beau lavoir à deux cuves et tout en pierre : une pour laver, une pour rincer. Le tout nourri par une borne pour faire joli et entendre le chant de l'eau qui tombe. Il était placé pour que les lavandières aient le soleil sur les reins, Rey aimait les voir lessiver ! Le paradis était presque achevé.

       Enfin, il fit une jetée à la limite d'un bancaou, juste un peu plus haut que la terre : ça servait de chemin pour les chèvres et ça empêchait l'eau du fossé de se précipiter. Elle s'accumulait derrière cette petite levée et puisqu'elle ne pouvait pas couler, elle s'infiltrait pour nourrir les plantes.

         Rey était content : il regardait son petit paradis où chacun avait sa place grâce à Fontbelle.

       Il manquait quelque chose, il fit un four à chaux au bord d'un champ : peut-être utilisait-il le charbon de la descenderie la Félicie ! Barthélemy semblait avoir réussi son paradis.

       Il y fallait encore de quoi faire le pain : un four ! Pour cela, il paya une redevance au seigneur de Mimet et son four en briques, de près de deux canes (3-4 m.) de côté, fut construit. Comme Barthélemy était gourmand, au sud, il édifia un pigeonnier : la loi l'y autorisait, pourvu qu'il possède une terre assez grande où les pigeons iraient se nourrir. Il pouvait s'y préparer des tourtes de pigeonneaux, des hâtelets de pigeon (broche), des beignets et tant d'autres gâteries.

       La ferme s'appela Rey avec son eau maîtrisée, ses belles cultures, ses bancaous, ses troupeaux de chèvres et de moutons, son four à chaux, celui de la boulange, le colombier. En plus, Rey était consul de Mimet... 

       C'était un rêve, un rêve d'encyclopédiste, un peu savant, un peu naïf. Il croyait que ça durerait. Il n'eut pas tout à fait tort : il reste le squelette et aussi le four : l'eau et le feu ! Même si plus rien ne fonctionne. Et Rey fut oublié, sauf son rêve qu'on nomme Fontbelle.

 

 

                                                

 

         LA FERME de la TOUR

       Le seigneur de Mimet possède, en-dehors de son château, des terres nobles, c'est-à-dire qui ne paient pas d'impôts au roi. Il s'agit du domaine de Château Bas, de la Bastide Neuve et de la Tour. Ces trois propriétés sont presque contiguës, formant un assortiment de terres capables de produire des cultures variées. Pour la Tour, les principales sont la vigne, l'olivier et le blé, plus les troupeaux. Soit le vin, l'huile, la farine, la viande et le lait, plus les dérivés de chaque production. Pour ces propriétés, les seigneurs doivent prêter l'hommage au roi. Le premier dénombrement où figure la Tour fut établi par Antoine Foissard Chaussegros, le 26 avril 1537. On la retrouve en 1680, 1688, 1701, puis en 1790 pour le recensement des biens du seigneur de Gras de Prégentil, évalués à 2047 livres de revenus, rien que pour la Tour. Château Bas était un peu au dessus avec 2610 livres mais avec des terres plus riches, la Bastide Neuve ne faisait que 396 livres, de la terre de bancaous et de collines.

         La Tour resta en exploitation jusqu'au XXe siècle, vers les années 1970.

      La ferme de la Tour s'appelle ainsi parce qu'elle était dotée d'une tour de défense. Elle faisait partie du domaine seigneurial et sa construction a dû se réaliser en même temps que le château de Mimet. 

       On remarque sur la tour une entrée voûtée en plein cintre comme il y en a trois autres en haut, dans le château. L'une pour accéder à une salle basse au pied du donjon, une autre qui se trouvait au-dessus du sol, toujours pour pénétrer dans le donjon ; la troisième, elle aussi en hauteur pour accéder au four banal du village. Elles sont toutes les quatre semblables et sans doute produites par le même tailleur de pierre et dans le même matériau: celle de la Tour date, comme celles de la forteresse, du Xe-XIe siècle. Comme la seconde, elle est placée en hauteur: on y accédait par une échelle que l'on sortait et entrait de l'intérieur. Cette tour dotée de meurtrières permettait la protection de la ferme : un avant-poste et on y abritait les récoltes et peut-être des impôts en nature.

       Elle se dressait à l'angle sud-ouest d'une grande salle protégée elle-même par des fenêtres formées en meurtrières. Il n'y avait que la porte à défendre. C'est là qu'on entreposait les sacs de blé, avant de les descendre au moulin d'eau faisant partie de la Tour pour en faire de la farine, puis on les remontait à l'abri. Le seigneur acceptait-il de protéger les récoltes des paysans ? On ne peut répondre mais c'est envisageable : le blé, c'est la farine et le pain. Le pain, c'est 60 à 80% de l'alimentation au moyen âge. Le maître perçoit des impôts pour ces services : ce sont les banalités (1/20e pour le moulin, 1/40e pour le four), il a intérêt à ce que ses paysans aient de quoi se nourrir !

       Mais vers le XVe-XVIe siècle, le seigneur fait agrandir les bâtiments vers l'est. Une salle importante et sans doute une sorte de logement pour un hôte de marque. Pour montrer son importance et pour être à la mode, il fait ouvrir une fenêtre à meneaux : elle permet de voir les montagnes, les collines et le château, en haut, à Mimet ! Et il faut défendre l'entrée : on l'a faite en chicane avec à droite une arquebusière qui tire de l'intérieur, plus deux portes : l'une à l'extérieur, l'autre dedans, quand l'une est ouverte, l'autre est fermée sur un espace réduit et sombre. De plus, l'ouverture extérieure se trouve contre le mur de la bâtisse : avantage seulement aux gauchers : ils sont minoritaires !

       La Tour se défendait bien. Même si les travaux des année 80 l'ont dénaturée : tour traitée tel un pigeonnier avec toit en pente, perte de l'entrée en chicane, comblement de l'arquebusière...

      Mais, la vie de la Tour n'est pas finie. On lui ajoute, sans doute au XIXe siècle, une étable à vaches. Les seigneurs ont été éliminés par la Révolution et la Tour qui appartenait au seigneur de Gras de Prégentil est passée de main en main puis à une autre famille de la Noblesse, les de Foresta, ils possèderont aussi Château Bas qui sera l'une de leurs résidences. Ils sont issus d'une petite noblesse qui saura grandir dans les campagnes napoléoniennes et il achèteront des terres, base encore de la richesse jusqu'à la révolution industrielle. Les vaches servent pour le le travail, le lait et la viande. Jusqu'ici, à Mimet, on ne disposait que de chèvres et de moutons et parfois, d'un cochon et de volailles, attestées par des pondoirs en pierre.

       En 1925, la mairie de Mimet achète aux Foresta la Tour. La propriétaire d'alors est Madame de Closmadeux : elle a reçu donation de la Tour de Madame Marie-Joséphine de Foresta, épouse de Monsieur Henri de Villevert, chef d'escadron de cavalerie. Madame de Foresta a fait donation le 11 mai 1909, elle meurt le 8/12/1918 : elle possédait la Tour depuis le 9/10/1871.

       En 1925, Albert Deleuil, maire de Mimet, achète la Tour pour le compte de la mairie, le 30 juillet. Il était charpentier aux mines. Le domaine faisait 44 hectares et coûtera à l'achat 36.000 francs à la commune, plus 7.000 francs de frais.

 

       Parmi les derniers exploitants, on retrouve le nom de Louis Bosi, nom biblique : il y travaillera depuis 1949 jusqu'en 1964, dont 16 ans avec Madame veuve Perrachon Augustine, de 1949 à 1955, date de la mort de cette dernière : elle s'occupait des vaches et vendait le lait au détail, directement sorti du pis de la laitière et sous les yeux des enfants, chacun avec son pot à lait. Plus tard, à la place des champs, on construisit au quartier de la Piboule (peuplier), un magnifique terrain de foot qui sert deux ou trois fois par an, puis un petit lotissement de villas. La Tour n'avait plus de paysans : la "poterie de la Tour" s'installa, puis, après restauration, un restaurant, une salle d'exposition et un parking, juste sur l'aire à battre le blé. On put sauver, de justesse, la fenêtre à meneaux, la tour en partie. L'arquebusière, les pondoirs pour les poules, l'entrée en chicane disparurent. L'aire à battre est sous le goudron ! On était vers 1990. On n'arrête pas le progrès...

       Sans oublier le bassin de la Tour, alimenté depuis le Lavoir : on cultivait autour, des légumes et des poiriers. L'ancienne route, on en voit encore le petit pont, était trop étroite : on en fit une nouvelle, plus large, elle passa sur le bassin, on était vers 1970-80.

       Nostalgie ? Non. Mais réflexions : on sait où on va si on sait d'où on vient, sinon on va dans le mur ou dans le trou !        

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