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Mimet, pays de mines

 

         LES MINES À MIMET AU TEMPS DE CÉZANNE, s'il les avait visitées

        Les houillères de Provence extrayaient de la lignite : elle s’est formée à l’ère tertiaire, reste un combustible médiocre mais très utilisé malgré sa teneur en soufre. On l’appelle aussi « flambant de Provence ». On le trouve dans le fuvelien (étage géologique qui tire son nom de Fuveau) et au-dessous où il est disposé en « gros rocher », « mauvaises mine », « quatre pans » (des couches d’un mètre d’épaisseur) et « la grande mine » (de 3 à 4 mètres). Il n’est pas certain que Cézanne ait apprécié ce côté technique.

       Du XVIe au XVIIIe siècles, les principales familles exploitantes sont les Vitalis à Fuveau et camp Jusiou, les Roux de Saint-Savournin. Personne à Mimet sauf Dame Liotard en 1821. Il s’agissait de descenderies peu profondes. Au XIXe des compagnies se forment. Au temps de Cézanne, en fin de siècle, c’est la « Société des Charbonnages des B. du Rh. » qui se succède à elle –même et contrôle les puits de mine. Et à ce qui n’est encore rien, le 19 mars 1891, débute le creusement du puits Ernest Biver, il fonctionnera jusqu’en 1950, pour être remplacé par le puits Gérard. En 1893, une usine de fabrication d’alumine à Gardanne est construite : elle servira de débouché à la mine de Biver (village qui a pris le nom de son fondateur). En même temps, se creuse la galerie de la mer qui recueille toutes les eaux de l’Étoile, ce qui aurait mis en colère Cézanne s’il l’avait su. Les conditions de travail ne sont pas brillantes, il y a des morts, on fait la grève.

          Il y a des mineurs à Mimet, ils vont vers les puits alentour mais gardent un pied dans les champs, ils les cultivent et en obtiennent vin, huile, fruits et légumes, petit élevage. Ils descendent vers les mines à travers les collines, à pied. Au retour, ils travaillent les terres : double journée. Mais la vie reste chère : le mineur vit à crédit, il est payé à la quinzaine  et s’endette entre les payes, et ce malgré la création de coopératives d’alimentation. Parmi les loisirs, la chasse, celle des lièvres en particulier et des petits oiseaux pour la broche : Cézanne devait aimer. Cette vie est dure mais il y a des avantages.

          Depuis 1890, des immigrants arrivent d’Italie, plus pauvres, ils font tomber les salaires. Leur intégration est rapide, les populations se mélangent et le jeu de la concurrence s’atténuera très vite. Alors, il fallut loger tout ce monde : les Moulières, Biver se firent, mais Cézanne n’était plus là.

          Après sa visite présumée de 1885, il aurait pu rencontrer, s’il était revenu à Mimet vers 1912 :

          Monsieur le maire, Maurin Jean-Baptiste

          Son adjoint, Gazel Etienne

          Les conseillers municipaux : Nicolas Justinien, Gueydon Romain, Deleuil Albert, Magère Désiré, Samat Alfred, Faren Léon, Samat Esprit, Bonnet Fleury (président de la Société de chasse « L’Avenir »), Gueydon Martin, Long Lubin

Le secrétaire de mairie, Guillaneuf Arthur, mon grand-père

L’appariteur, Deleuil Séverin

Le garde champêtre, Constant Ferdinand

Le garde forestier, Audemard Joseph (habitant à Gardanne)

Le receveur buraliste, Nicolas Justinien, Maistre Nien (propriétaire du débit de tabac)

A l’école communale laïque de garçons, Guillaneuf Arthur, instituteur

A l’école communale laïque de filles, mademoiselle Maurin, institutrice

Le facteur-receveur des Postes, Pelloquin Gabriel

Pellegrin Edouard, apiculteur

Le boulanger, Piston Damase et son pain à l'orange

Boyer Etienne, propriétaire du café-restaurant du village et Chabot, propriétaire du café-restaurant à l’Ermitage de N.D. des Anges

Samat Firmin et Daniel Ludovic, coiffeurs

Magère T. et Gazel Etienne, délégués mineurs

Troin H., service des dépêches et autres transports de Gardanne-gare à Mimet (et retour !)

Les épiciers : Brémondy Emile, Maurin J.-B., Rigaud Achille (à la Diote) et  Deleuil Baptistin (aux Rampauds)

          Les propriétaires des mines de houille groupés dans la Société anonyme des Charbonnages des Bouches-du-Rhône (habitant sur la commune) et mineurs : Bonnefoy (épouse Gueydon Roger, Bonnet S., Piston J., Aubert Jean-Baptiste, Michel E., Maurin J.-B., Penon Th., madame Veuve Rebuffat, Rigaud F., Rigaud E., Rigaud J.-P., Samat Etienne, Samat Martin, Vadon Vincent-Marius, Gueydon Martin, Pellegrin Edouard, madame de Roux au Lau, ou Laou)

Monsieur Eydoux Seren, propriétaire de Château-Bas

Madame Goirot, éleveuse d’une riche collection de lapins, à la Font du Saffre

          Ces noms de famille, que l’on retrouve au cimetière, sur le monument aux morts et chez leurs descendants, font partie aussi du patrimoine de Mimet…

                                                          

                                                          

 

 

 

        Sur le chemin du Dragon, entre les Moulières et Fontbelle, on trouve une borne marquée : "Danger, dalle sur puits de mine". En dessous, c'est la descenderie de la Félicie, creusée depuis la Révolution.

    Au début, l'exploitation du charbon (lignite) se faisait, non par un puits vertical, mais par un puits de descente. D'une largeur de 2 mètres, 1,70 mètre de hauteur, il pouvait s'y trouver des escaliers en colimaçon. Ils servaient d'accès et d'évacuation du minéral. L'air y circulait mal, les inondations y étaient fréquentes et le feu s'y produisait en raison de la présence du gaz (grisou), sans parler des effondrements toujours possibles. À partir de 1874, la galerie de Saint-Pierre épongera les eaux de la Félicie, cette descenderie exploitée depuis la Révolution. Mais, à partir de 1867, c'est un puits vertical d'une profondeur de 142 mètres qui s'ajoutera à la descenderie devenue insuffisante (cote de l'orifice à + 334 mètres au-dessus du niveau de la mer). Au fond, la lignite est évacuée par des chevaux tirant des berlines en tôle jusqu'en 1878. Après, ce sera un traînage mécanique sur 3.500 mètres, des bennes. En 1902, un autre puits, la Félicie II, de 136 mètres sera creusé : ses stériles iront dans le premier puits de 1867.

    Il y avait longtemps que la descenderie de la Félicie ne servait plus. Cependant des imprudents, à la recherche de sensations fortes, s'y aventurèrent il y a quelques années. En panne de lampe, ils s'y égarèrent dans le noir absolu. Ils y sont restés. La direction des "Houillères de Provence" décida de boucher cette descenderie par une dalle de béton.

    Il subsiste de toute cette histoire, outre la borne, les ruines des installations de criblage, de tri et des quais de chargement juste au-dessus, au milieu des pins et des chênes.

                                        

 

    LA GALERIE DE LA MER

    L'ennemi de la mine, c'est l'eau ! Parfois le mineur travaille avec de l'eau jusqu'à la taille et ce, malgré les pompes. Dès 1859, l'idée d'une galerie d'évacuation fait son chemin chez Ernest Biver.

    Des tracés sont imaginés : depuis Roquevaire, vers la Bourdonnière, Pont-de-Bouc, depuis Saint-Savournin. Rien de satisfaisant. On hésitait aussi sur les techniques : air comprimé (expérimenté pour le tunnel du Mont Cenis dans les Alpes), ou machine Brunton (tunnelier fonctionnant comme une tarière). Dès 1879, après 20 années d'hésitations et d'études préliminaires, on se décide pour un trajet : du Cap Pinède dans le port de Marseille, vers Gardanne. Une décennie va encore s'écouler, faite d'attente de lois nouvelles sur les mines, de dossiers, d'enquêtes (1884 : avis défavorable du conseil municipal de Mimet sur cette galerie. Il annonçait le dessèchement des sources en surface). 

    Ernest Biver, l'un des promoteurs du projet, meurt avant que tout commence vraiment.

    Fin des expropriations, et le 15 décembre 1890, on reprend les premiers travaux : forage du puits Biver, le 19 mars 1891, et puits d'aération de Saint-Joseph (88 mètres de profondeur). À partir de ce dernier, vers Sainte-Marthe, on attaqua vers l'amont et l'aval, et du côté Madrague en même temps où l'on se remettait à un ancien chantier. La galerie devait faire 14.859 mètres, près de 15 km. ! Au début, le débit d'eau collectée varie de 950 l./minute à 12.500, il passe à 40.200 l./minute.

    Le 20 octobre 1893, presque au milieu, on fonce le puits de la Mure à 330 mètres de profondeur, et au puits Biver, côté Mimet, on atteint 275 mètres. L'attaque se fait toujours dans les deux sens. L'eau vient encore tout perturber, de mars 1894 au 21 juin 1894, on ne perce que 65 mètres : le débit de l'eau est de plus de 50.000 litres/minute ! On va l'utiliser : sous pression et avec une turbine et une génératrice, on a du courant électrique pour actionner les perforatrices électriques dès 1895-96. Le puits de la Mure achevé en avril 1896, deux galeries en partent : vers Biver et vers la mer. L'eau ne manque pas. Lorsque le terrain est plus sec, on creuse près de 7 mètres par jour. Le 2 mai 1899, c'est la jonction entre La Mure et Saint-Joseph, on va vers Biver. Les arrivées d'eau sont gênantes, parfois avec de l'argile et du sable surtout dans le 9e kilomètre : il faut des revêtements complets de béton, ciment, cuvelage. On est en 1904. Le 20 mars, une source de sable donne 6.000 m3 avec de l'argile rouge. Depuis cinq années, la traversée de la dolomie rend les travaux très difficiles. Ceci fait, du côté de Gardanne, la fin sera plus aisée.

    En octobre 1905, tout se termine, sans oublier les galeries de raccordement vers Valdonne et la desserte vers Fuveau...

    Le puits Biver, abandonné vers l'année 1952, fait place au puits Gérard dont le chevalement se dresse toujours, même si les mines ont fermé en 2003.

    La galerie de la mer avec ses bassins de décantation, part toujours de la cote +229 mètres au-dessus du niveau de la mer. Elle assure la sécurité aquifère sur plus de 200 mètres au-dessus : les terrains y restent secs.

    Elle a servi à acheminer la lignite pour les bateaux et usines, puis à partir de 1953, pour permettre l'écoulement des eaux des mines. Actuellement, la "Société des Eaux de Marseille" récupère 800 l./seconde, il en coule vers la mer, en pure perte, 1m3/seconde ! En prime, c'est l'assèchement accéléré du massif de l'Etoile, les sources disparaissent : c'est ce qu'avait prévu le conseil municipal de Mimet en 1884 !

    Elle est maintenue en état et fonctionne. Sans quoi, c'est toute l'urbanisation de Gardanne qui serait menacée : risques d'effondrement des terrains par minage aquifère !

     C'était une belle idée : il reste cette galerie : elle part de chez nous à Mimet et emporte notre eau de source !

                                                       

                                                       

     LES MOULIÈRES

   

    (Toponymie : terrain mou, humide)

    Historique : sur les cartes topographiques, rien au XIXe siècle (sur la 1/80.000e de 1871). Apparition sur l’édition révisée en 1958 de la 1/50.000e de 1935 et sur la 1/25.000e de 1970 avec plan détaillé.

    Lié à la construction ou fonçage du puits Gérard entrepris en 1942 et achevé en 1945, suite au puits Biver, le quartier des Moulières se développe.

    Avant les Moulières, la cité de Biver (du nom de l’ingénieur Ernest Biver) fut créée dès 1908. Peu à peu, les maisons furent bâties vers Mimet, le long du vallon de Cauvet.

    Faute de place et en raison du besoin en énergie lié à la reconstruction de la France, après 1945, Les Moulières se développèrent : « le charbon, le sang de la France » disait-on. Pour cela, et afin d’exploiter de façon rationnelle le gisement, on avait foncé le puits Gérard.

    L’allure générale, comme à Biver, est celle de petites maisons avec jardin, en forme de « corons ».

    On peut dire que Les Moulières sont nées après la seconde guerre mondiale. Mais, déjà, avant cette date, les documents indiquent que la « Société Nouvelle de Charbonnages des Bouches-du-Rhône » délivre des baux de location dès 1910 : à « Monsieur Verra Pierre (malaou), mineur, demeurant à Mimet quartier du puits Biver ». On peut en déduire qu’avant 1945, le secteur des Moulières commençait à être habité.  

                                        

                                                

      LE PUITS GÉRARD, FILS DU PUITS BIVER

      De 1890 à 1906, on creuse la Galerie de la Mer qui part de Mimet pour aller au cap Pinède à Marseille (14 km): elle draine l'eau qui noie les mines, elle fonctionne toujours.

Dès 1941-42, et il y faudra cinq années, on fonce le nouveau puits Gérard, à Mimet : il sera mis en service en 1949 et peu à peu remplace le puits Biver, à Gardanne.

       Mais, le 25 février 1969, il y a 6 morts : on arrête son exploitation qui se reportera aux puits Courrau et Boyer à Meyreuil.

       Cependant sa production alimente, dès 1953, le premier groupe de la centrale thermique de Meyreuil puis 3 autres groupes jusqu'en 1967.

       Les aléas pétroliers et les difficultés d'exploitation joueront en faveur du charbon puis contre lui. En 2003, tout s'arrêtera.

Aujourd'hui, le puits Gérard est un parc d'activités artisanales et commerciales. Il appartient à la commune de Mimet.

LA DESCENDERIE de la FÉLICIE

SENTIER MINES D’ENERGIES

 

Mimet,  « terre de charbon », enfoui sous nos pieds depuis 76 millions d’années, exploité depuis le XVIIe siècle sur environ 440 ha.

Avant les puits de mine, des « descenderies », galeries  creusées en escalier à 45 ° en direction des couches de lignite, conduisaient les mineurs vers les lieux d’extraction.

De la fin du XIXe siècle jusqu’en 2003, l’industrie charbonnière fut une composante essentielle  de la vie économique mimétaine.

Depuis le point de vue du village perché de MIMET – le plus haut des Bouches du Rhône, à 500 m d’altitude - on découvre un paysage minier avec ses puits, ses terras*, ses quartiers ouvriers… 

Avec une vue sur 180° depuis les rives de l’Etang de Berre en passant par le  panorama dominé par la montagne Sainte Victoire,  les clochers du nord du département  jusqu’au pied du Mont Ventoux, on aperçoit les paysages du bassin minier et de la Provence éternelle.

*mot provençal de Terrils

 

 

LE PUITS GERARD 

Foncé entre 1942 et 1945 et d’une profondeur de 615 m, puis approfondi à 723 m, le Puits Gérard fut en activité extractive jusqu’en 1971 puis servit de retour d’air, d’exhaure et de service jusqu’en  2003. Noyé, de puissantes pompes maintiennent le niveau d’eau à la côte   - 60 (à 350 m sous le sol) et l’envoient vers la mer via une canalisation circulant  dans la « galerie de la mer ».

 

LES MOULIÈRES ET LES FABRES

Les cités ouvrières des Moulières et des Fabres naquirent des mines. Il fallait recevoir et loger ceux qui descendaient vers le charbon. Le Puits Gérard n’était pas loin ! Tout se présentait dans la géométrie : des rues à angles droits, des petites maisons identiques avec jardin et cabanon attenant. Alors, pour mettre un peu de poésie,  chaque voie reçut le nom d’une fleur. Aux Moulières, on fit une école en 1958 et plus tard, une mairie annexe.

 

Histoire courte d'un ancien mineur

 

une vie de mineur - Guy RIGAUD
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